La dose minimale qui entraîne un effet - L’utilisation du « mini-Kiosque aux indicateurs » pour la mise en évidence des enjeux de qualité de la connaissance scientifique dans le débat social
[1997-2002] Bayer déclarait, en 1997, que les premiers effets biologiques n’apparaissent qu’à partir de 5.000 ppb, mais entre 1998 et 2000, la valeur la plus basse enregistrée pour le LOEC (Lowest Observed Effect Concentration, soit la dose la plus faible observée à partir de laquelle des effets sont identifiés) en plein champ correspond à 20 ppb d’imidaclopride dans la source contaminée (Kirchner, 1998, 1999 et 2000, in CST, 2003).
La connaissance disponible dans la recherche publique en 1998,issue des essais en laboratoire, a démontré que l'abeille est affectée à partir de concentrations comprises entre 1 à 20 ppb (Bonmatin et al., 2000, in GVA, 2000). En 2000, des effets sublétaux sont identifiés à des doses très basses, telles que 0,075 à 0,21 ng/abeille (pour une concentration de la solution contenant l’imidaclopride à 3 ppb) (Colin et Bonmatin, 2000, in CST, 2003). En outre, on constate que ces effets peuvent être aggravés par la présence de métabolites (Bonmatin et al., 2000, in GVA, 2000). En conclusion, les chercheurs estiment que la compatibilité environnementale de l'imidaclopride, à dose homologuée, « est nécessairement discutable».
En 2000, la valeur de 12 ppb a été retenue pour les premiers effets toxiques de l’imidaclopride sur l’abeille, par la Commission des Toxiques.
Dans plusieurs documents, les apiculteursvont continuer à présenter les résultats obtenus par les chercheurs. Ils soulignent par exemple les faibles concentrations qui entraînent des effets négatifs, respectivement de 3 ppb et de 6 ppb (GVA, 2000).
[2002-2003] La concentration minimale qui entraîne un effet, présente dans les documents de Bayer, est de 20 ppb. Cette valeur est la plus basse obtenue dans une étude en plein champ. Dans les déclarations publiques, cet acteur communique néanmoins que pour les études « réalisées sur des colonies complètes en plein champ … les premiers effets négatifs ne sont pas observés à 20 ppb. Le premier effet observé avec l'imidaclopride est un refus d’alimentation sur la source contaminée avec arrêt du butinage. » (Figure 1)
Figure 1. Commentaires sur l’indicateur « DoseMin », par Bayer
Les chercheurs remarquent néanmoins que cette contradiction peut être attribuée à la méconnaissance des travaux de l’auteur en cause ou à un comportement stratégique de Bayer. Les effets décelés par les études respectives ne concernaient pas le refus de l’alimentation mais d’autres effets : la diminution de la fréquence des danses frétillantes, l’altération de la précision des danses et la manifestation de danses tremblantes (souvent observée dans des situations d’intoxications) (Kirchner, 1998, 1999, 2000, in CST, 2003).
Parmi lesétudes disponibles à l’époque, ceux qui ont été validés par la suite par le CSTdonnentdes valeurs bien en dessous de celle déclarée par Bayer, aussi bien en laboratoire que sous tunnel et en cage de vol. Pour des divers effets sublétaux de l'imidaclopride, ces valeurs étaient de : 6 ppb, 10 ppb et 12,5 ppb (0,31 à 0,87 ng/ab ; 0,15 à 0,42 ng/ab ; 0,25 à 0,7 ng/ab) (Colin et al., 1998), 10 ppb et 12 ppb (0,25 à 0,7 ng/ab ; 0,4 ng/ab) (Pham Délegue et al., 1998, Pham Délegue, 2000, Decourtye, 2000, Decourtye et al., 2000), 3 ppb (0,075 à 0,21 ng/ab) (Colin et Bonmatin, 2000) (Figure 2).
Figure 2. Commentaires sur l’indicateur « DoseMin », par les Scientifiques. Valeur du même indicateur pour la cellule Scientifiques x Tests x Maintenir
Pour cette catégorie d’acteurs, ces valeurs de l’exposition peuvent être compatibles avec un risque pour l’abeille, donc l’évolution de l’indicateur dans le scénario « business as usual » (le maintien de l’AMM du Gaucho pour tous les usages) est jugée indésirable.
L’argumentation des apiculteurs concerne, toujours en accord avec les résultats de la recherche, les effets du Gaucho® utilisé sur le maïs, et le maintien de la suspension sur le tournesol.
Les apiculteurs contestent à leur tour la crédibilité des déclarations de Bayer, notamment de la perspective des valeurs communiquées dans le passé pour cet indicateur (Figure 3).
Figure 3. Commentaires sur l’indicateur « DoseMin », par les Apiculteurs
Parmi les valeurs de toxicité sublétaledisponibles, celles retenues en 2002 par la Commission des Toxiques sont des NOEC (No Observed Effect Concentration ou dose sans effet observé) de 0,15-0,40 ng/ab (en laboratoire), de 2,5-7 ng/ab (en plein champ) et LOEC de 0,25-0,7 ng/ab (sous tunnel).
Pour le Ministère de l’Agriculture, ces valeurs n’ont pas une signification claire, car les jugements qu’il porte sur cet indicateur sont soit neutre (jaune) soit relèvent de l’incompréhension du sens de ces chiffres pour l’action (blanc : « je ne sais pas ») (Figure 4, Figure 5).
Figure 4. Valeur de l’indicateur « DoseMin », pour la cellule MinAgri x Politique x DefTourMaïs
Figure 5. Valeur de l’indicateur « DoseMin », pour la cellule MinAgri x Politique x Maintenir